La loi ne peut pas tout

Pauline et moi sommes en couple depuis 11 ans. Nous avons 37 ans, vivons près de Lyon, et l’heure est venue d’agrandir la famille. Nous n’étions toutes les 2 pas vraiment emballées par la maternité donc nous nous sommes entendues pour que celle qui serait la moins gênée professionnellement le fasse. Je suis ensei-gnante et Pauline employée du secteur privé. Le choix a été simple.

Nous avons attendu que la loi de bioéthique soit promulguée pour pouvoir effectuer plus sereinement l’ensemble des démarches pour la PMA. Comme nous avions pris contact avec une clinique à San Sebastian avant cela, nous avons aujourd’hui la chance de pouvoir rapidement être prises en charge là-bas. Car vous l’aurez compris, l’AMP en France ce ne sera pas possible pour nous. Ceci pour 2 raisons: les délais du Cecos aujourd’hui à Lyon sont de 3 ans ; et mes réserves ovariennes ne sont pas suffisantes pour prendre le risque d’attendre. Officiellement nous avons donc fait une demande d’AMP au Cecos de Lyon, mais en parallèle nous allons commencer les inséminations en Espagne.

Nous aurions pu commencer les inséminations au mois de mai, mais certaines contraintes notariales nous retardent. La loi bioéthique ayant établie certaines règles par rapport à la filiation, nous sommes en attente de la rédaction par le notaire de 2 actes qui doivent impérativement être signés avant la première insémination, sous peine de considérablement complexifier les choses une fois l’enfant né. La réalité sur le terrain aujourd’hui c’est que nous sommes confrontées à des notaires réticents, parfois agressifs, et mal informés. Et même s’ils ont une obligation d’instrumenter, notre expérience en la matière reste laborieuse. Les actes à réaliser sont complexes, nécessitent une mise à jour régulière et sont peu rémunérateurs.

Comment pouvions-nous espérer que les échanges soient apaisés ? Concernant le corps médical, c’est une autre histoire. Rien que pour les quelques démarches que nous avons eu à faire ici, nous avons rencontré une bonne moitié de professionnels agissant à l’encontre de la mission de service public qui leur a été confiée. Sans parler du respect du serment d’Hippocrate. Et alors que certains restent discrets quant à leurs opinions, d’autres les affichent de manière totalement décomplexée. A titre d’illustration, nous avons dû consulter un gynécologue spécialisé dans la reproduction. Après m’être entendue dire que le fait de ne pas avoir de relations sexuelles avec un homme allait complexifier les examens et l’insémination, nous avons eu le droit d’assister à une argumentation glaçante nous conseillant de privilégier la voie naturelle ou d’aller en Espagne pour ne pas avoir à encombrer encore plus le Cecos : « situation intenable pour les couples hétérosexuels qui le vivent comme une double peine ». Autre fait marquant lors de mon hystérosalpin-gographie : j’ai été prise en charge par un radiologue qui à l’évidence a perdu tous ses moyens lorsqu’en répondant à une de ses questions je lui ai annoncé que j’étais homosexuelle. Après 20 minutes, on m’a demandé de partir, sans aucun résultat et ce malgré de multiples tentatives très douloureuses. M’ont été reprochés un vagin trop étroit, trop de stress, et une morphologie inadaptée à un tel examen. Le tout pour la modique somme de 170€ aux frais du contribuable ! Cet examen ne pouvant se faire que durant quelques jours du cycle menstruel, une autre clinique lyonnaise a accepté de me recevoir en urgence pour réessayer, et tout s’est bien déroulé. L’ouverture de cette loi est un grand pas pour la communauté LGBT+, mais malheureusement, comme Simone Veil le disait : « La loi ne peut pas tout ». Si nos aînées ont été contraintes de se rendre à l’étranger pour des PMA en toute clandestinité; aujourd’hui nous sommes confrontées à une autre forme de violence, celle d’un pays, notre pays, qui semble avoir légalisé la PMA aux couples de même sexe et aux femmes seules, sans s’être donné les moyens d’accompagner sa mise en application.

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